Dernier jour avec Jerry. C'est lancé, les entreprises ont changé d’interlocuteur. David, médecin pédiatre part après-demain. Lui compte les enfants qui ne reviendront pas, faute de soin ou de suivi. Dans ce qui parait être du long terme, tout est urgent. La ville ne s’est pas agitée après l’annonce de la sentence des 139 gardes du roi du Rwenzory, lui-meme arrêté à 100 mètres d’ici lors de l’assaut du 26 novembre et accusé d’entretenir des camps d’entraînement rebelles. Par l’importante présence des troupes nationales en ville, Cécile, responsable du projet, craignait une tentative d’épreuve de force de la part du gouvernement. Elle a eu lieu en douceur. Le groupe vit au rythme des « choses à faire », les employés sont prévenants. Demain, il faut ressortir tous les dossiers. Les travaux dans trois derniers centres doivent à tout prix commencer en début d’année.
« J’ai le sentiment que quelque chose ne sera plus comme avant. C’est peut-être là la vraie définition de l’errance, de sa quête, avec sa solitude et sa peur. C’est le désir que je cherchais, la pureté, la remise en cause, pour aller plus loin, au centre des choses, pour faire le vide autour de moi. Je me dois de me laver la tête… pour rencontrer le centre d’une nouvelle image, ni trop humaine, ni trop contemplative, ou le moi est aspiré par les lieux quand le lieu n’est pas spectacle, ni surtout obstacle. Il me faut vivre cette quête qui est la mienne… elle arrive a un moment, ni bon ni mauvais, elle est nécessaire… pour être juste cette errance est forcément initiatique… mon regard va changer… cette quête devient la quête du moi acceptable. »
Raymond DEPARDON
Demain, départ vers deux nouveaux centres de santé au bord des lacs, Kishenyi puis Kasenyi. Le premier s’écroule, il faut construire à côté. Dans tous les centres, apporter l'eau, faire des toilettes et une zone de destruction des déchets médicaux. Les patients sont là, souriants. L’envie d’écrire s’est évanouie quelques jours, tellement de tout …
La cabine se réveille en quelques instants, le petit déjeuner doit être servi rapidement, on va amorcer la descente vers la capitale éthiopienne. L’aéroport, surdimensionné, dessert l’Afrique australe et équatoriale. Ce bloc de métal et d’échafaudages borde honteusement une multitude de constructions hâtivement disposées sur son entrée. Le tapis d'asphalte semble dominer fièrementde son plateau, une face totalement déserte d’infrastructure.
Trois heures avant le prochain départ, dérisoires. 2 euros un café... D’un sourire tranquille, la serveuse demande un consentement qu’elle obtient sans délai. Le décalage entre ce monde occidentalisé et l’extérieur est palpable en tout point. Les passagers en provenance d'Europe chercheront, pragmatiques, leur correspondance sans porter attention aux panneaux indiquant la sortie.
Ce dernier vol est beaucoup moins touristique - Hommes d’affaire et familles en transit. Atterrissage perçant un lit de nuages, les derniers jours d'une saison humide. L’activité aéroportuaire laisse paraître un terminus. Par l’accueil et le personnel, on sent un pays autonome. La présence de la carte rouge et blanche encartée dans ce passeport vierge prolonge le visa initial de dix jours à trois mois, sans question. Yasser aura plus de temps pour la demande de permis de travail.
Quelques consignes pour le weekend, un peu d’argent, un ordinateur pour donner des nouvelles, on se retrouve lundi …
Immeuble aux mille escaliers grouillant d’humains affairés ... « première mission ? »… toujours bienveillants.
Rendez-vous à droite à gauche, aucun instant ne laisse penser à demain, juste ne rien oublier. Premières descriptions de la situation, ce qu’il y aura à faire, ce qui n'a pas été fait.
Des « au revoir, bonne mission ! » - Attente - Les bureaux se vident doucement par petits groupes prolongeant les discussions – Attente - Taxi en retard. Il a l’habitude de ce trajet, ça fait vingt ans qu’il accompagne vers l’autre bout du monde. Sur le siège à coté, le chauffeur est détendu- Aéroport, trop peu de temps pour téléphoner … décollage.
Le cliquetis des quatre roues comptant chaque demi-seconde sur les rails usés a disparu depuis bien longtemps. Le train file on ne sait où dans un sifflement léger.
Tout ce qu’il aurait fallu faire n'a pas été fait ...
Finie la vie tranquille, c'est l'heure du départ. 10kg de bagages. Tout est rentré dans mon sac à dos qui est bien content d'accompagner Marc en Afrique.
Bon voyage Marco, les poules et moi, on t'attend là !
Le temps a disparu. Plus d'hier, plus de demain. L'inquiétude de ne pas savoir a laissé la place au sens pratique, aussi à ce qui est important aujourd'hui.
Depuis quelques semaines, l'arrivée de demandeurs d'asile autour de nous ou dans les Centres d'Accueil et d'Orientation de la région nous plonge dans la réalité de ce qu'il faudrait faire. Donner un sens humain à ce que les humains ont rendu de si inhumain. Le sourire permanent de Thomas, guinéen, extirpé d'un radeau coulant au milieu de la mer-frontière après avoir fuit les balles libyennes.
Balade dans ce bout de Landes baigné des premiers rayons de soleil. Et si les poules avaient raison ...
Arrivée de l'ordre de mission, du 30 novembre 2016 au 30 avril 2017, cinq mois. Le vaccin de la fièvre jaune, obligatoire pour le visa, reporte de départ de deux jours.
Le bureau des départs envoie un mail, rendez-vous lundi prochain à Paris, l'avion décolle mardi 29 dans la soirée. La fièvre jaune reste à faire, on verra à Pasteur.
Désolé pour le délais, les choses ont pris plus de temps que je ne le pensais ici.
Mais ça y est, c’est tout validé.
Tout le monde est d’accord et très content de venir travailler avec toi.
La seule petite différence est que le poste est pour 4 mois au lieu de 6 (retour au printemps donc).
A cause de notre lenteur ; le besoin se fait un peu plus pressant, mais l’idée n’est pas de te mettre la pression.
Nous aimerions bien t’avoir en briefing et en départ quand tu peux au plus vite, mais s’il te faut un peu de temps pour t’organiser nous nous adapterons en fonction de toi sans soucis.
Je te laisse revenir vers moi pour me dire.
Par ailleurs, on peut s’appeler à ta convenance demain pour répondre à des questions que tu aurais et pour s’assurer que tout est en ordre.
A très vitee j’espère, et au plaisir de te voir à Paris pour tes briefings.
Amitiés,
Jean-Baptiste "
Une petite bière … et je me replonge dans le projet ...
Message de Paris, ils demandent mes disponibilités pour la fin du mois, une dernière minute pour l'Ouganda, comme un télégramme. Ils essaient de finir le projet jeudi dans l'après-midi. J'attendais une confirmation pour le Malawi. Le poste est séduisant, le contexte un peu plus compliqué. Je dit que je peux partir.